La coupe de la Moralité, Mont-Royal, QC.

JJean Drapeau, il doit s’retourner dans sa tombe. Dret-là. Pis tout l’temps. Surtout qu’il est enterré sur son Mont-Chauve. Son Mont-Royal-De-Vénus qu’il a si bien rasé en 54.

21h15.

Un coin de rue.

Un mercredi soir.

Les jeunes s’aventuraient sur la montagne, les plus vieux sûrement aussi. Ça se rencontrait en haut, cachés, pour se balader, pour se raconter l’histoire des mains baladeuses, des vantardises de touche-pipi. Les âmes pures n’aimaient pas, car se crosser ou s’entre-crosser, c’est tabou, jamais bien vu.

Six jeunes garçons dans l’âme.

6 Cyclocross, mais un plutôt de route.

Un 16 décembre, mais pas un flocon.On est loin du pergélisol, c’est l’hiver indien.

Ça se dit le beau bonjour, ça se serre la main et ça s’embrasse, ça se présente.

Ouais ouais, ça se présente bien, coin Parc et St-Viateur, sous l’odeur baggelée, ça s’en va cyclo-crosser, sans tabous. C’est notre Coupe à nous autres.

Drapeau a ordonné de couper tout ce qui n’était pas grand. De raser le bush. Et ainsi, Mont-Royal s’est fait dégarnir le coco. Les Coupes de la Moralité, qu’on les a appelées. Personne n’y a gagné, même pas les vierges offensées.

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Les clips font clic, les mains font clac.

Ça prend les cliques pis les claques et ça tourne à la première ruelle. Sous l’éclairage stroboscopique des lanternes cycliques, Montréal et son Mile-End sont revisités. Les graffitis ratissent la périphérie, mais ce sont plutôt les dos-d’âne, les nids de poule et les juifs hassidiques qui captent les attentions.

En 54, on a bloqué la route aux activités immorales pour éviter de diviser l’opinion publique. Mais en 58, on a divisé le Mont-Royal en deux, le tranchant d’un coup de Camilien-Houde bien affilé. On débroussaille et on pave, les enfants.

3… 2… 1… Prêts pas prêts, j’vous cherche.

Ça monte au premier belvédère, comme les soupers montent dans les dedans d’estomac. Si les gens pratiquaient l’immoralité dans les boisés, aujourd’hui ya rien de mieux qu’un Camry. La buée ou la fumée, on sait pas trop. Ça grimpe les marches, palier par palier, et ça enjambe à nouveau.

«C’est comme du ski d’fond!»

Qu’il lance l’autre. Pas de freins, des canti-leviers c’est comme tous les «H» aspirés de la situation.

La hauteur, du Mont-Chauve,

Le hasard, du parcours,

Les haltes, petites,

Les halètements, profonds,

Les hors-la-loi, qu’ils sont,

La hâte, à la bière.

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Pis les H peuvent aspirer comme ils veulent, mais restent que certains aspirent à ce que les freins freinent. Les sentiers peuvent se rouler en vélo de montagne, les deux doigts dans le nez, ou ailleurs. Mais en cyclocross, ça change la donne et ils doivent tout donner pour garder la vitesse, pis la ralentir en même temps. Ça se dit aussi que des fois, un guidon de 44 centimètres, c’est juste parfait. Des fois, ça se dit qu’à 22h un mercredi soir, le flow est bon et froid. Les mains et les pieds sont gelés.Ça rigole et roule en s’accordant le groupe, faisant l’accordéon du dernier au premier.

Chalet.

Deuxième belvédère.

Les extrémités dégèlent devant l’horizon étalé illuminé, avec un arrière-plan de frissons et de petites douleurs. Ça remonte, descend, croise des passants, serpente les options, passe entre les clôtures, traverse Camilien-Houde.

Crevaison.

Réparation.

Petite barre de collation.

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Qu’est-ce qui s’est passé vous croyez? La montagne est devenue un cimetière a’grandeur. Les tombes en pierres et les arbres amers. Rien ne tenait, ni l’idée, ni l’action, ni la terre: l’érosion de l’érotisme et du sol, il fallait semer les graines.

Sprint dans le cimetière, ça tournoie sur le pavé des morts, sous le clair de lune et les lampadaires épars. La mort, elle est plutôt frôlée dans la descente vers l’Université. Toutes les lignes sont bonnes, ou plutôt, elles sont toutes mauvaises. Descendre des sections de roches engageantes, avec des cailloux libres comme l’air, avec une position de course dans les drops du guidon… Il faut agripper fort, se commettre, et prier d’arriver en bas. Question que ça ne se cogne pas la tête, et que ça perd conscience rendu au lieu des connaissances.

Du cyclocross en montagne, c’est comme courir en sandales, skier en snowblades, passer les douanes avec un passeport qui expire dans 6 mois moins 1 jour, cuisiner sans couteau, pimper une Dodge Néon, parler gras avec son beau-père, partir en canot-camping avec des sacs de vidanges, faire du touche-pipi dans les sous-bois du Mont-Royal, pas regarder son niveau de gaz avant d’entrer dans le Parc des Laurentides…

Bref, c’est une esti d’mauvaise idée, et c’est ça qui apporte des histoires.

C’est des décisions à s’en arracher les cheveux, à en devenir chauve. C’est pas des blagues, tellement pas de gagnants, que tout le monde a été trouvé, coupable. D’être niaiseux d’un bord, d’avoir les yeux niais de l’autre.

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Ça se jase entre les pavillons universitaires, puis ça torque en malade jusqu’à l’Oratoire. Ça se fait pas prier d’aller rouler dans Westmount et ses maisons millionnaires, pour aller zigonner dans le parc pour aller tomber et glisser dans la rosée glacée.

Passe de roche.

Escalier de peur.

Troisième Belvédère.

Saint-Bruno, Saint-Hilaire.

Prochaines missions?

La bière est bonne, les confidences sont belles, l’heure se fait tardive. Ça trinque à l’expérience, à la prochaine, au Mont-Royal et ses racoins, à la prochaine Coupe, notre Coupe de la Moralité.

Alors en 60, on a replanté, faute de s’être planté comme il faut. 60 000 arbres, pour 60 000 ébats? Des ébats sur des pédales, ou de pédales, on le saura pas. Mais cette histoire a fait suer, et on en sue encore, surtout un 16 décembre, en haut de zéro.

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