L’Or Blanc

La neige a neigé. J’vous l’dit, même Nelligan serait stoked. S’il est un imposteur, je peux vous garantir qu’à Revelstoke, on a la poudre aux yeux. Le Vaisseau d’Or n’est pas un rêve, il est bien réel ici, épars dans les montagnes. Ses mâts sont dans l’azur oui, mais ses mers et ses océans, eux, tombent du ciel, en poudre. Ses marins, skis aux pieds, se partagent et se volent les trésors à coup de virages et de jubilations.

Si c’est la ruée vers l’or qui a contribué à la colonisation de l’Ouest, dorénavant, c’est l’or blanc qui est un gage de colonisation hebdomadaire, mensuelle ou saisonnière. Des familles jusqu’aux ski bums, les gens viennent ici pour recueillir quelques souvenirs précieux.

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Or_blanc-bruins_pass_ridge_climbLes oreilles semi-bouchées, les yeux semi-fermés, on ne veut jamais entendre nos amis qui reviennent de leur périple de ski dans l’Ouest. C’est souffrant. Car on manque d’argent, de courage, de congés ou tout simplement d’équipement ou de talent. Toutes les défaites sont bonnes et leurs histoires à eux, ne le sont pas. Jalousie oblige.

Alors, ce manque de neige, il arrive peut-être une fois par cent ans, ou plus, ou ça n’est jamais arrivé… On ne sait pas trop. Mais, en 2015, et bien c’est arrivé. Cette année-là, on s’est marré, et on se marre encore. Des gens qui payent des milliers pour voler et aller skier de la glace et du damé, c’est drôle, c’est réconfortant. Cette année-là, les tempêtes et les conditions, elles étaient dans l’Est.

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On a eu beau prier, se croiser les doigts, être gentil avec ses frères et ses sœurs… Dame Nature a été plus chiche que le Père Noël. Changements climatiques, El Niño ou on ne sait plus trop, l’or est resté accroché dans le ciel, et lorsqu’il est tombé, il était prêt pour les plus belles batailles de La Guerre des Tuques.

Oui, on a perdu la bataille contre le manque de précipitation, contre le niveau de gel qui faisait le yo-yo entre les 1000 et 2500 mètres… C’était notre stress matinal quotidien: rafraîchir les pages des sites météo et des radars pour voir les conditions à venir. Alors, au lieu de pleurnicher, il fallait mettre les skis aux pieds.

Sur un pseudo coup de tête, on a décidé d’aller tout en haut, dans le Parc national de Glacier. Si le parc n’avait pas connu de précipitations dans les dernières semaines, les températures, elles, avaient monté en flèche.

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Or_blanc-bruins_pass_david_soleilToutes les faces possibles s’étaient décrochées, causant des débris d’avalanches un peu partout: des classes 1, 2, 3 et 4. Pour les connaisseurs, avez-vous déjà vu le couloir de Grizzly complètement anéanti? Nous, oui. Les conditions étaient donc stables et assurées, c’était le paroxysme de la sécurité, comme la carrière cinématographique de Rémy Girard. Après avoir suivi les épaules des montagnes et s’être imaginé tout descendre en fat bike, on a traversé la passe de Bruins (tout au fond, près du sommet 8812), pour ensuite faire deux magnifiques descentes sur le glacier.

Un ciel bleu et clair, une neige atteignant 15 centimètres et légèrement transformée par le vent; c’était féérique, un cadeau tombé du ciel. La dernière descente jusqu’à la voiture fut douloureuse pour les pieds, les jambes et l’égo.

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J’ai été guidé par l’un et l’autre, dans des lieux peu fréquentés, entre pillow-lines et arbres brûlés. Belles journées, surtout quand on ne se doute pas que le pire est à venir. On ne s’en vante pas. Nanan.

Le mois de février débute, des centimètres tombent et s’accumulent enfin. On attaque Glacier Park et le secteur McGill. Durant toute la montée, les skis et les pôles font scrounch, la glace n’est pas loin, un gros centimètre de poudre là-dessus. On appelle ça dust on crust! Climat de vallée, de boisé, on sait pas trop, mais c’est le paradis en haut. On finit par skier la plus belle neige de la saison, 40-60 centimètres bien stables et légers, les nuages sont à nos pieds.

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Or_blanc-burn treesIl suffit d’une journée pour tout fucker. Encore des bons tours du niveau de gel… C’était vraiment un hiver de marde. Après les pas-de-précipitations, on a eu la pluie et les 3 degrés Celsius jusqu’à 2200 mètres.

Faute de belle neige, on a fait de l’exploration dans des forêts millénaires du Parc de Revelstoke. On a skié les pentes de Revelstoke comme si c’était le printemps: entre les plaques de glace, le gros sel, la slush et les roches.

Il aura donc fallu travailler pour bien skier dans l’Ouest en 2015. Et pour ce qui est de cet hiver, je ne vous en parlerai pas. Je vous laisse avec votre printemps et ses bourgeons. Ici, on est encore dans les flocons.

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