Marathon Canadien de Ski

les yeux fermés

D

Les yeux fermés, mais ouverts en même temps. Ben grands ouverts d’insomnie comme scrutant mon d’ssours de paupières. Je dormirais, sauf la neige dans mon cou. Je dormirais, sauf ça ronfle un peu partout de vraies fatigues de coureurs des bois. Je dormirais, sauf l’excitation. Ben d’trop d’excitation, une vie au grand complet qui me bouillonne le sang, qui crépite comme le feu qui fond mon boutte de sleeping. Voyons. J’suis où déjà? J’ai du mal à déchiffrer mon cadran… 3h50AM. Câlisse. Y a du monde deboutte. Ça boit, ça farte, ça se jase, ça se les gèle. L’insomnie c’tune vertu qu’a disait mon amie pirate. Pareil… Allez-vous coucher bande de cave! Que ça résonne dans ma boîte crânienne, pour justifier que, moi, je suis couché dans une botte de foin à essayer de dormir. Au loin ça rigole. Ça sent la fumée, l’épinette, le swing, le bois pis le vieux pet… avec des petits relents de barres Cliff… C’est pas si désagréable. Ça sent la vie sauvage qui relâche son musc. Pas le parfum plastique-Jean-Coutu, plutôt comme l’odeur immémoriale des légendes! Celles qu’on forge sur le bord d’un feu de camp, une petite shotte à la fois, suffisamment pour faire pâlir les histoires de pêcheurs. Celles qu’on forge dans notre sac de couchage quand on est trop fatigué pour se trouver quétaine pis qu’on se met à penser que c’est des miettes d’étoiles qui nous pleut ‘dans face.

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5h30AM. J’ai pas dormi. Mais peut-être que oui. Ou alors je rêve encore que j’ai du foin din’ bobettes. Coudonc, quossé ça? Y a des feux d’artifice. Des frontales. Du monde qui parte. Fuck! Je pacte mon fatras avec la finesse d’un torero. Devant moi, ça défile déjà. Des dossards permanents, des yeux cernés, des gros sacs, des amitiés de bords de feu. Paul Junique, Marion, Farmer, Dorego, toute une vie de ski qui défile. Ostie y’a même Jackrabbit avec son chien Ken! J’voudrais bien garrocher une coupe de glossettes à Ken, dommage y sont cimentées avec mon pot de cire dans le fond de ma poche. Je me fais happer à mon tour. Un tourbillon. Des traks toutes croches. Pavées par des histoires folles, des épopées, des bêches du bout du monde, des récits d’orteils gelés, de spatules pétées, de virage sur les mains, de m’as-tu vus. Ça s’emballe de racontars, les skis emmêlés dans le trop-plein de légendes d’un ptit boutte de Bouclier canadien. Pffff… Gang de menteurs. Gang d’insomniaques. Moi au marathon j’ai vu ben pire. J’ai vu quelqu’un rêver à tellement de sornettes qu’au bout de 160 km, il a fini par y croire.

marathon canadien

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