Mécanique émotive

J’aime le vélo, j’aime les vélos.

C’est une passion qui ne m’a jamais lâché depuis ti-cul.

J’pourrais même raconter ma vie en parlant de tous les vélos qui ont une fois été les miens.

Ça commencerait avec le petit vélo orange et ses deux petites roues — que j’ai fini par abandonner pour parcourir mes premiers mètres de liberté sur un trottoir de banlieue.

Et aussi, les BMX avec lesquels j’ai été cascadeur en m’éjectant sur le gazon à la dernière seconde avant de frapper mon chum qui me rentrait dedans à sens inverse. Ou encore les premiers jumps construits avec des briques pis des planches empruntées sur le chantier des maisons en construction de mon nouveau quartier. C’était aussi les premières sorties hors du quadrilatère familial, la grosse liberté ! On explorait la banlieue d’une patch de gazon vert à l’autre, tout aussi parfaitement vert !

Mon premier vélo de route, ça été un cinq vitesses. Lui pis moi on ne s’est pas très bien entendus, j’voulais encore faire des conneries comme en BMX, mais lui en avait clairement moins envie !

Et mon premier vélo de montagne, un Norco, l’ancêtre des vélos hybrides. Mais moi, je n’en savais rien. C’était un vélo de montagne pour sauter les tas de terre des terrains en constructions et enfiler les tits bouts de sentier derrière les maisons su’l bord du ruisseau. Un été à rouler le parfait bonheur ensemble, avant qu’il active son mode autodestruction. D’abord la fourche qui s’est affaissée sous l’impact d’un saut de trottoir, ensuite le pédalier qui s’est mis à osciller dangereusement, pour finalement réussir à se libérer de son assise sur l’axe. J’pense bien avoir plié la tige de selle aussi ! Les tiges pliaient souvent quand les pieds manquaient les pédales à l’atterrissage, laissant tout le loisir à nos fesses d’aller percuter la selle avec force. C’est d’ailleurs comme ça que j’ai commencé à faire de la mécanique; le magasin était loin, et j’étais pressé de pouvoir pédaler à nouveau !

L’été de mes 14 ans, j’ai travaillé deux mois pour pouvoir me payer mon premier vélo. Jusque-là, j’avais eu la chance d’avoir des parents qui m’offraient des vélos quand ma croissance le justifiait. Mais après la courte de vie du dernier, j’ai décidé de prendre les choses en main. C’était un Specialized Stumpjumper Comp en acier CroMo True Temper tout monté en Shimano XT (jusqu’au moyeu !). J’ai magasiné pendant des mois en passant les revues au peigne fin et en relisant mille fois les mêmes articles (mon anglais s’est grandement amélioré durant cette période !). À la fin, il ne restait que trois candidats, le Specialized, le GT Avalanche et le Kona Explosif ! J’avais une préférence pour le Kona, mais mon père avait un cousin qui travaillait dans une boutique qui vendait Specialized et il pouvait me donner un petit rabais. J’ai quand même rêvé au Kona pendant longtemps ! Cela dit, le Stumpjumper fut un partenaire d’aventures extraordinaire et, vu la polyvalence des vélos de montagne de l’époque, il me suivit partout.

Depuis, je n’oserais pas énumérer tous les autres vélos qui sont passés sous mes fesses. Le but n’étant pas d’en faire bêtement la liste, mais plutôt de comprendre l’essence de tous ces vélos, de voir en quoi ils sont tous spéciaux !

Que m’ont-ils laissé ? Des souvenirs de moments passés en leur compagnie, mais aussi une sensation de les avoir connus. Chacun avait son caractère, ses manies, son look. Ils étaient beaucoup plus que la somme de leurs pièces. Ils avaient leur propre personnalité !

Comprendre ce qui transperce le métal et donne vie à ces montures est à la fois un parcours qui nous mène sur les chemins de la science, mais aussi sur la route de l’émotion.

Bienvenue dans mon épopée en vélo à travers les âges.

À suivre…