Récits

Femme-oiseau

Sur le gravier, la puissance de mon corps qui pédale. Mon corps en forteresse, boulonné à mon cadre d’acier. La route qui défile s’accumule sous mes roues et me toise de loin. J’avance, j’arrive dans son sillon de terre gercée. La route est longue et les heures me distancent enfin de la réalité épuisante. Je revis et sème sur ma route toutes les pensées tenaces qui polluent ma mémoire. Le temps s’écoule et seuls mes muscles réclament encore le confort de mon salon.…

Mécanique émotive

J’aime le vélo, j’aime les vélos. C’est une passion qui ne m’a jamais lâché depuis ti-cul. J’pourrais même raconter ma vie en parlant de tous les vélos qui ont une fois été les miens. Ça commencerait avec le petit vélo orange et ses deux petites roues — que j’ai fini par abandonner pour parcourir mes premiers mètres de liberté sur un trottoir de banlieue. Et aussi, les BMX avec lesquels j’ai été cascadeur en m’éjectant sur le gazon à la dernière seconde avant de frapper mon chum qui me rentrait dedans à sens inverse.…

Avoir peur en vélo

Dans la voiture, ça va encore. Le soleil brille, la route est longue, on n’est pas rendus, il n’y a pas lieu de s’inquiéter. Pour l’instant, ce n’est qu’un beau tour de voiture, par monts et par vaux, à travers les couleurs d’automne. Du tourisme saisonnier gentil gentil. Et puis je ne suis pas peu fière de mon accoutrement, short lousse sur combine pattes longues, t-shirt lousse sur combine manches longues.…

J’suis cassé – T’es cassé

Chus cassé. Pas comme j’ai pus une cenne, cassé comme mon squelette est cassé. J’marche pus, j’béquille. Cloc a fait ma cheville, juste comme ça. Une belle saison, commencée plus tard que prévu. Un retard bien récupéré, quatre jours de ski en ligne, deux grosses journées de touring en ligne, la forme est là, les idées de con aussi. On n’a pas les mêmes horaires, mais on partage les mêmes amis.…

The eye of the taïga

Le point le plus reculé et accessible par la route, au Québec, est le réservoir Caniapiscau, situé au kilomètre 666 de la route Transtaïga, un chemin de gravier débutant au kilomètre 540 de la route de la Baie-James. Parce que le défi me semblait intéressant, j’ai décidé d’y aller. En vélo. Je saurais pas vous dire combien d’heures j’ai pu passer à regarder des cartes topographiques de la Baie-James et à faire des lignes dessus.…

Printemps : la demi-saison qui vous chauffe la couenne

Vous n’en pouvez plus. Printemps. De primus tempus, c’est le premier temps. Demi. De dimedius, une division centrale, une moitié de. Saison. De satio, c’est-à-dire de semailles. Chauffe. De chauffer. De calefacere, terme composé de calere, la chaleur, et de facere, faire. Donc, faire de la chaleur. Couenne. De cutis, la peau. Le premier temps : semer la moitié fera chauffer la peau? Paul en a pris du bon, ou il est un peu cochon.…

Plan de con

Automne, pas d’activité cycliste de prévue Quatre cents cinquante kilomètres la selle sous not’ cul L’ontario en cyclo, chargés comme des cochons Des anciens chemins de fer nous nous content’rons

All Friends on a Powder Day

Ça ne vient pas de moi, tristement. Je serais beaucoup trop fier d’y avoir pensé, d’avoir imaginé et constaté les faits. L’idée vient de Happy. C’est pas son vrai nom, c’est sûr, mais on le lui a imposé il y a longtemps. C’est ça qu’on m’a raconté, parce que les gens parlent de Happy. Il s’est fait coller ce nom-là à force d’être trop heureux, trop généreux, trop appréciatif. On connaît tous ce genre de gars-là, celui pour qui tout est trop beau pour être vrai, celui beaucoup trop intéressé à ce qu’on raconte, qui nous regarde trop dans les yeux, qui acquiesce trop de la tête, qui fait trop d’écoute active.…

Une fois de plus ou de moins

Qu’est-ce qui te fait courir? Qu’est-ce qui te fait courir à ce point..? C’est novembre en ville, c’est gris dans le bois, c’est sale dans les ruelles, va t’asseoir, écroule-toi sur ton Elran, arrête de me niaiser avec ça. Choke buddy, choke. Y a une pinte d’amère qui t’attend à maison comme un vendredi soir, voyons donc. Ben non. Ben non, fallait ben. Après le laçage, le départ; et sans te rappeler le comment du pourquoi, ça continue sous toi, t’es déjà loin, le paysage passe à vitesse grand vent à travers tes larmes de froid frette, tes orteils goûtent finalement à la flaque de plus tôt, tu repenses à une de tes courses dans le sable, tu sors du parc vert pour arriver à une rouge, stop.…